Boucheron le non-conformiste

Depuis l’arrivée de Claire Choisne à la direction artistique de Boucheron, le moins que l’on puisse dire est que la Maison est montée en puissance en termes de créativité. La bien-nommée collection Ailleurs, présentée en juillet, franchit une étape supplémentaire dans l’audace et l’inattendu.


Croiser technologie et joaillerie

Boucheron nous avait conquis en 2015 avec le collier Jodhpur, réversible, taillé dans le marbre d’un côté (marbre Makrana, de la même origine que celui du Taj Mahal) et le cristal de roche incrusté de diamants et de saphirs de l’autre, avec le collier Nuage en Apesanteur en 2020 ou avec la collection Nature Triomphante, encapsulant de véritables fleurs transformées en bijoux éternels. Dans la collection Holographique, à l’aide d’un partenariat avec Saint-Gobain, le joaillier irradiait le cristal de roche de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel grâce à un dépôt sur la matière, ajoutant à cela un exercice d’équilibriste : les lignes de crête du cristal étaient serties de diamants.

Claire Choisne démontrait ainsi que la technologie de pointe pouvait croiser la haute technicité des ateliers de joaillerie. Sans compter l’introduction de pierres et de matières inconnues, telles que l’aérogel, « goutte de ciel » au bleu léger et poétique et plus récemment l’aquaprase, une pierre translucide d’une teinte bleu-vert, découverte en 2015 au Zimbabwe.

Regarder « Ailleurs »

A travers 5 univers différents, la collection de haute joaillerie Ailleurs se regarde comme une composition de 5 tableaux. Claire Choisne franchit encore une étape dans l’inconnu en utilisant de nouveaux matériaux, insinuant une nouvelle façon de porter les bijoux. Ses matières brutes, minérales et végétales, elle les trouve sous toutes les latitudes, déserts, océans, forêts… les diamants se mêlent aux galets ou au bois brûlé, l’or au rotin, le platine à la météorite. Une façon pour la créatrice de parler à toutes les femmes… et tous les hommes.

Avec des teintes chaudes de beiges et de blonds, la Femme Sable évoque la lumière du soleil sur les dunes. Les créations sont faites de moëlle de rotin, humidifiée pour être mise en forme et marier une matière très simple avec d’étincelants brillants. Sur une paire de boucles d’oreilles, des coquillages naturels poursuivent leur volute avec de l’or et les diamants. Magie ! Le coquillage semble se transformer.

 

Quand la matière crée le bijou

La Femme Feuille évoque la luxuriance d’une forêt vierge tropicale. Entourant une superbe tourmaline verte de 37,97 carats, une manchette en aluminium gravé vert dense reproduit à s’y méprendre un tissage végétal.

Elle côtoie une étonnante broche en ailes de papillon naturelles sertie de diamants bruns et jaunes sur titane. La broche, imposante dans sa grande légèreté, se porte sur l’épaule, à l’image des élégantes du XXème siècle (Marlène Dietrich, Wallis Simpson) ou des créateurs chinois Wallace Chan ou Cindy Chao dont les volumineuses créations ne peuvent trouver leur assise que sur une épaule.

Un bracelet toucan apporte à son tour un jeu de volumes et de couleurs sans pareil. Son bec puissant est sculpté à partir de trois blocs de citrine qui s’imbriquent parfaitement. Sur l’épaule également, la superbe et aérienne broche du tableau Femme Terre accumule de fins pétales de bois de palissandre nervurés de diamants. Cette fleur au dessin très réaliste (réalisée à partir du scan d’une vraie fleur – la technologie encore) est une splendeur de poésie.


 

Enfin, voici le collier phare de la Femme Galet : des galets de marbre blanc amincis, évidés pour devenir translucides comme des porcelaines, s’ordonnent sur un plastron. Parsemés de diamants, ils semblent éclaboussés par une étincelante écume. Cette pièce est l’une des plus frappantes de la collection.

Ces bijoux poétiques et délicats évoquent indéniablement Tanizki et son magnifique Eloge de l’Ombre ou encore le Wabi Sabi, où les marques du temps, l’altération, la patine, l’usure signent une beauté singulière. Dans cette pratique ancienne de l’art japonais, la fêlure d’une céramique ancienne est soulignée par le l’or. Ici, ce sont les imperfections du diamant qui sont sublimées par une monture d’or patiné.

 

Haute joaillerie masculine

Claire Choisne n’hésitait pas à faire porter par des hommes les étincelants diamants de ses collections Histoire de Style, art déco et New Maharajahs en 2021 et 2022. Ici, l’Homme Volcan, le dernier tableau de son exposition, est totalement dédié aux hommes : couleurs plus atones, plus sobres mais dont il se détache une étrange puissance. Une collerette est travaillée à la manière de coquillages passés au rayon X tandis qu’une robuste tête de loup en météorite et diamants vient hurler sur une bague démesurée.


Dans son travail d’innovation sans relâche et sans tabous, Claire Choisne regarde résolument ailleurs et pourrait bien annoncer la haute joaillerie de demain.

Isabelle Hossenlopp 

Parution originale l’OFFICIEL Horlogerie & Bijouterie, novembre 2022

Les photos sont la propriété de la Maison Boucheron. Toute reproduction de photos et texte est interdite.

Photo de la page d’accueil : Broche fleur en bois de palissandre et diamants, collection de haute joaillerie Ailleurs

Précédent
Précédent

L’égyptomanie ou l’Orient rêvé de Cartier et Van Cleef & Arpels

Suivant
Suivant

Chaumet, une journée particulière