La narration magnifique des joailliers 

Durant la Fashion Week de janvier, dans l’ambiance d’un printemps précoce, quelques joailliers présentaient leurs nouvelles collections de haute joaillerie. Bien que moins nombreuses et plus resserrées que pendant la saison estivale, elles étaient merveilleusement inspirées. La transformabilité semble être devenue la norme et le bijou de tête s’impose comme le nouveau diadème minimaliste. La délicatesse des bijoux de diamants (Chaumet, Dior Joaillerie), la poésie des pierres (David Morris), les mariages de couleurs (Cartier), l’ingéniosité des ateliers et la finesse des détails (Boucheron) ont marqué cette saison.

Dior Joaillerie ouvre le bal le premier jour avec une collection de bijoux de diamants d’une grande poésie. La légèreté des montures, l’ajourage, le travail précis de l’or à la manière d’une dentelle, d’un ruban, d’un tulle, thèmes Couture fétiches de Victoire de Castellane, dessinent une collection presque apaisée, loin de la polychromie habituelle. L’asymétrie et la juxtaposition des tailles de pierres sont toujours présentes, avec des proportions parfaites et moins « sismiques ». Dans les vitrines s’invitent aussi des pièces de haute joaillerie plus anciennes, très colorées, rappelant que l’inspiration Couture a toujours été un diapason de Victoire.


Délicatesse encore avec Un Air de Chaumet, qui nous captive avec des pièces aériennes évoquant la grâce et le mouvement de l’oiseau saisi en vol. Le set Plumes d’Or (plumes de diamant contrastant avec des plume d’or brossé mat, effilées, incurvées, twistées) et son diamant poire serti de biais sur le diadème reproduisent le souffle de l’air, le volume et le mouvement. Epure et art du trait, comme souvent chez Chaumet, signent cette collection courte (8 pièces) et très raffinée qui se disperse sur la silhouette grâce à la transformabilité de tous les éléments.

Givre et neige chez Boucheron avec la collection The Power of Couture entièrement réalisée en diamant et cristal de roche dépoli. Sur le thème de la couture (le père de Frédéric Boucheron était drapier) et des décorations militaires, passementeries, rubans, médailles, étoffes, nœuds, ferrets, aiguillettes, cordons… se métamorphosent en créations de haute joaillerie aux multiples portés. Un incroyable collier, qui a demandé 2600 heures d’atelier, reproduit un motif de gros-grain. 435 baguettes de cristal de roche dépoli taillées à la main et ajustées une à une composent cette étonnante cravate. Les bords et l’intérieur du nœud en gros-grain sont sertis de diamants dont l’éclat est magnifié par un diamant poire F VVS2 de 4,05 carats qui peut se porter en bague. 

Chez Louis Vuitton, la figuration des formes, pures, géométriques, le travail sur les reliefs et les volumes signent le deuxième chapitre de Deep Time. Le collier Skin déploie toute la lumière de 300 pierres, dont une centaine de saphirs Umba de Tanzanie, uniques pour leurs tonalités de soleil couchant rose-orangé. Taillées sur œuvre en une multitude de losanges, carrés et baguettes, les pierres composent un damier flamboyant. Le point d’orgue de la présentation était évidemment le collier Aster et ses 23 fabuleux saphirs du Cachemire bleu velouté (en tout 125 carats). Il a fallu 20 ans pour trouver et appairer ces gemmes rarissimes. Le collier était présenté dans son écrin, une grande malle haute joaillerie sur mesure, avant de partir rejoindre sa mystérieuse destinataire.

 

Huit animaux d’Afrique puissants et majestueux ont inspiré les huit bagues transformables (quatre bagues cocktail et quatre bagues couronne) de De Beers qui a toujours aimé rendre hommage, dans ses créations, aux régions dont proviennent ses diamants. Parmi elles, la bague Lion met en valeur un diamant taille trillion de 5,09 carats. Les nuances « chaudes » (warm-white) de cette pierre exceptionnelle sont illuminées par une crinière de perles d’or mobiles. Celle-ci s’ouvre pour permettre de porter le diamant en solitaire.


Lumière chaude de l’Afrique pour De Beers, lumière froide du Nord pour David Morris. Le joaillier anglais a choisi des pierres aux tonalités douces de l’aurore boréale : saphirs bleus ou de couleur (un extraordinaire Padparadscha de 34,88 carats sur la bague cocktail Horizon), spinelles roses et bleu cobalt, diamants roses, tourmalines Paraíba, tourmalines vertes… Sur la manchette Starbust, le serti des diamants esquisse une géométrie de triangles, de losanges et de rayons pour sublimer près de 59 carats de saphirs et plus de 52 carats de tourmalines Paraíba pures comme l’azur. Magnifique.  

Pour le dernier chapitre de son Voyage Recommencé, Cartier tire sa révérence avec grâce. Les oppositions chromatiques chères à la Maison se font très douces avec des boules de pierre vert tendre, bleu clair, ponctuées par de petites touches d’onyx qui donnent du caractère. Sur le collier Panthère Confiante, l’animal fétiche veille sur un péridot cabochon de 26,52 carats, entouré de boules de péridot et de perles de corail côtelé dans un ensemble apaisé de nuances douces, illuminées par le diamant. A l’inverse, sur un collier symbolisant un jeu d’échec, l’inspiration Art déco s’affirme, puissante, ultra géométrique, opposant la blancheur du diamant et le noir profond de l’onyx anguleux. Les colliers de Cartier aux proportions parfaites sont à la fois forts et légers, aérés, souples. Les pierres sont magnifiques. Sans être toujours parfaites, elles ont un charme fou comme ces deux énormes turquoises du collier Yfalos, l’une d’un azur parfait et l’autre veinée de brun. Au fil des créations, Cartier n’en finit plus de parcourir son style.

Entre les mains de Graff sont passés bon nombre des plus beaux diamants du monde, parmi lesquels le Lesedi La Rona de 302,37 carats. En termes de pierres, le joaillier londonien n’a donc peur de rien et nous éblouit avec un somptueux saphir de Ceylan naturel de 118 carats. Autour de ce rarissime joyau serti sur une manchette rayonnent 512 diamants (en tout 39 carats). Le voyage dans l’univers fantastique des pierres de Graff continue avec un trio de solitaires D FL, dont un énorme diamant ovale de 36 carats. Sur une paire de boucles d’oreilles, deux poires Fancy Intense Yellow de plus de 25 carats chacune jettent tous leurs feux. D’autres trésors comme une émeraude de plus de 17 carats et un lot de rubis du Mozambique aussi beaux que des birmans complètent ce florilège de pierres d’exception.  

 Texte publié dans la Lettre de Rubel & Ménasché Mars 2024

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