Haute joaillerie : Juin 2024 Chapitre I - Polyphonie des couleurs 

La place Vendôme et ses alentours se sont allumés des mille feux de tous leurs carats pendant la Fashion Week de juin.

 Cartier Bague Triomphale, or blanc, rubis du Mozambique de 8,95 carats et diamants

Diamants, pierres précieuses mais aussi la perle, qui revient en vogue, ont enchanté ces journées de présentations de haute joaillerie. Exploitant l’ombre et la lumière, la palette infinie des nuances, les formes, les tailles de pierres, les joailliers ont su mettre en joyaux leur brillante imagination.

Passer de l’ombre à la lumière, c’est l’approche inédite choisie par Pomellato, évoquant la dualité de Milan, avec une face industrielle, rigoureuse et une face lumineuse, colorée, « italienne ».  Les 51 pièces de la collection The Dualism of Milan se divisent en deux parties, l’une monochrome et l’autre flamboyante de couleurs. Dans la première, sur les colliers Planetario et Galleria, des spinelles sombres, bleu gris ou bleu nuit sertis sur des pavages de diamants rappellent les ciels nocturnes de Milan que l’on observe du Planetario ou encore le dôme octogonal de la galerie Vittorio Emanuele II. Dans la seconde, la couleur explose sur un plastron de 236 spinelles (365 carats) ou sur d’autres colliers sertis de tourmalines, tanzanites, spinelles, péridots… pour beaucoup en « taille baroque », c’est-à-dire à peine polies et gardant leur forme originale. Les généreux maillons d’or typiques de Pomellato sont là pour apporter lumière et volume.

 

Opales d’Australie, spinelles de Tanzanie, émeraudes de Colombie, saphirs du Sri Lanka, grenats, turquoise et bien d’autres pierres gorgées de couleur ont inspiré la Maison Fred pour rendre hommage à son fondateur, Fred Samuel, dans sa collection Monsieur Fred Ideal Light. Après avoir passé son enfance en Argentine, ce dernier revient en France, sur la Riviera, où tout lui rappelle la lumière, la chaleur, les teintes radieuses et les flots de son pays natal auquel il est profondément attaché. Quatre parures flamboyantes évoquent tour à tour les essences végétales et les palmiers (émeraudes), le panorama bleu intense du ciel et de l’océan (saphir, lapis-lazuli, cristal de roche), les costumes de carnaval du quartier de Montserrat à Buenos Aires (turquoise, opales, tourmalines vertes et bleues), la sensualité du tango (spinelles rouges, grenats mandarins spessartites, rubellites rose intense). La nouvelle collection de haute joaillerie Monsieur Fred Ideal Light rend hommage à cet amour de la lumière devenu signature.

 

Buccellati n’en finit plus de célébrer son centenaire. Après avoir édité en 2021 un superbe livre patrimoine (A Century of Timeless Beauty – Ed Assouline), la Maison milanaise dévoilait au printemps une exposition patrimoniale à Venise. Lors de la Fashion Week, Buccellati présente une collection courte reprenant les codes de son style inimitable : la gravure de l’or, les deux ors, le tulle entièrement repercé à la main, le bestiaire inspiré par la forme de perles baroques, les bagues cocktail, les longs sautoirs Ombelicale, les manchettes aux délicieux cabochons de couleur. Au-delà de la grande maîtrise du travail de l’orfèvre, les couleurs des pierres sont extraordinaires, à la fois denses et douces, profondes, lumineuses. 

 

Dans le deuxième opus de son éblouissante collection Midnight Sun, Messika, toujours inspiré par le thème d’une nuit festive, abandonne cette fois-ci les tourbillonnantes lumières de l’ambiance boîte de nuit pour cet instant suspendu où la nuit laisse place à la promesse du jour. « Je garde un souvenir magique de fêtes jusqu’au bout de la nuit, quand on quitte le dancefloor pour retrouver les premiers rayons du soleil », confie la Directrice Artistique qui souhaitait explorer ici cette dualité singulière d’instants. Jouant les contrastes, explorant le clair-obscur, elle imagine des parures en deux versions d’or qui s’opposent et se répondent.

La Maison renoue avec ses classiques : de gros et très beaux diamants blancs et jaunes, la juxtaposition en asymétrie de diamants taille poire, émeraude, ovale, les brillants qui coulissent au cœur de gros maillons rectangulaires d’or pavé ou encore les scintillements aléatoires du serti neige comme sur le superbe collier Lunar Diva avec sa forme de col claudine retenant au centre un « diamant mystère », en fait un puzzle de diamants donnant l’illusion d’une taille émeraude (5,10 carats).

 Graff a vu passer entre ses mains les plus beaux diamants du monde et exprime tout son amour des gemmes fabuleuses à travers un nombre sélectif de pièces. Parmi elles, deux bagues ont le charme d’un beau volume architecturé en hauteur. Elles sont serties de diamants Fancy Yellow, un ovale de 7,31 carats et une poire de 5,17 carats, auxquelles s’ajoutent, sur une grosse chevalière, une émeraude suiffée en losange allongé de 21,46 carats à la couleur limpide et profonde et une autre, qui retient l’attention par sa taille kyte, sur un bracelet ruban d’émeraudes et de diamants.

 Pendant cette semaine de la Fashion Week de juin 2024, la perle fait resplendir son orient mystérieux chez plusieurs joailliers (Buccellati, Chaumet, De Beers, Pomellato, Pasquale Bruni, Messika, bien entendu Tasaki et Mikimoto). Chez Chaumet, des perles fines se mêlent à 17 diamants sur un collier dit en « négligé », c’est-à-dire qui se noue en un long ruban fluide, rappelant celui qui avait séduit le maharadjah d’Indore Tukoji Rao Holkar III en 1913.

Démarquez-vous

Il était alors tout en diamant et sublimé de deux poires extraordinaires de 46,70 et 46,95 carats. Immortalisé par le peintre Bernard Boutet de Monvel, ce collier, ici réinventé en perles fines et diamants, reste emblématique des créations de Chaumet. .

Etourdissante valse de nœuds chez Mikimoto, des nœuds sous toutes les formes, inspirés des modes des siècles passés : un col tout brodé de perles de culture d’Akoya comme un tissu très souple, de larges boucles de dentelle en diamant ou, plus typiquement Art déco, des rubans coupés net entourant des perles de Tahiti au magnifique orient Peacock combinant des reflets bleu-vert, aubergine et rosés… Au cœur d’un collier de rubans lacés en diamants, de grosses perles blanches des mers du Sud s’illuminent de morganites, tourmalines, spinelles, saphirs et aigues-marines. Une exquise tourmaline vert menthe ferme un gigantesque nœud de perles de culture Akoya qui descend sur la poitrine tandis que, dans un esprit couture, une incroyable cape de perles embrasse le cou et descend en festons jusqu’aux coudes. Bluffant !

 

Enfin, une mention spéciale pour la créatrice Anna Hu dont la culture chinoise irradie des pièces d’une infinie poésie.  9 créations reflètent les 2 thèmes principaux inscrits dans l’ADN de la Maison depuis 2007 : le thème du papillon - Hu en mandarin signifiant papillon – et celui de la Nature, en particulier la flore que l'on retrouve si fréquemment dans la peinture, les porcelaines et les arts décoratifs des maîtres chinois. Ils sont une source constante d’inspiration pour la créatrice, qui sculpte avec la finesse de l’observatrice presque scientifique fleurs et papillons. Pour obtenir la légèreté aérienne du métal, elle utilise le titane et l’aluminium. Pour exprimer une teinte tout en nuance et en transparence, elle se sert de la galvanoplastie. Le résultat est étonnant. Sur ses broches Myth of Orchid, les pétales d’aluminium rose irisé semblent se froisser devant nos yeux quand les broches Orchid Duet pavées de rubis et de diamants (840 rubis, 58 diamants taille briolette, 704 diamants taille brillant) sertis sur de l’or et de l’argent gardent une incroyable légèreté.

 

La couleur, c’est aussi le noir et le blanc, choisi par Boucheron pour leur puissance évocatrice. Carte Blanche Or Bleu tranche avec la dernière présentation de la ligne Carte Blanche (janvier) où la directrice artistique Claire Choisne avait choisi l’exubérance de la couleur et les formes surdimensionnées. Ici, elle suit la voie inverse, celle du noir et du blanc et s’inspire d'un voyage en Islande où elle a observé le mouvement de l’eau, puissante, brute, sombre ou lumineuse sous toutes ses formes.

Comme toujours, avec son intense créativité, Claire Choisne transforme les éléments les plus simples en joyaux. Ainsi, le sable noir de l'Islande se cristallise pour former un collier et un bracelet. Sur un sautoir géant, le diamant coule en source sur une hauteur de 1m 48 tandis qu’une bague propage des ondes sur du cristal de roche semé de touches de diamants. Le métal se transforme en eau vive qui jaillit sous forme d’une broche d’épaule aimantée... Boucheron ne cesse de nous surprendre.

Précédent
Précédent

Haute joaillerie : Juin 2024 Chapitre II – L’art du mouvement

Suivant
Suivant

La narration magnifique des joailliers