Bagues de fiançailles, les nouveaux serments

Tasaki

Le sentiment amoureux, la notion de couple et ses différentes expressions sont des sujets qui n’ont jamais eu autant d’actualité. Est-ce une façon d’échapper au climat anxiogène qui nous est imposé ? Bonne nouvelle, la volonté d’engagement reste intacte. Le rituel de la bague de fiançailles comme objet précieux et très symbolique perdure mais il évolue. La recherche de nouveaux styles, de pierres différentes, d’une plus grande personnalisation révèle une quête de singularité.   

 

A la recherche de la lumière

La bague de fiançailles est un symbole d’engagement fort, elle illustre un lien a priori indestructible. Bijou émouvant et festif, elle est précieuse non seulement parce qu’elle est un talisman mais aussi parce qu’elle est destinée à se transmettre de génération en génération.

CARTIER solitaire Destinée monté sur platine et diamants

Incarnant ces valeurs, le diamant reste la pierre la plus prisée, pour son éclat, son authenticité et sa rareté. Le diamant est aussi la pierre la plus dure, d’où son aura d’éternité. Il est particulièrement apprécié en tant que solitaire, étant alors sublimé dans toute sa pureté. Si les diamantaires et les joailliers ne cessent d’inventer des formes, des tailles et des styles pour accentuer son éclat, la taille brillant (ronde), très médiatisée par Cartier et Tiffany, reste la plus vendue dans le monde.

TIFFANY bague Ribbon en platine et diamants

Mais l’offre évolue, multipliant le nombre ou la disposition des facettes du diamant (taille Impératrice de Chaumet de 88 facettes, taille Buccellati dans laquelle chaque facette est reflétée, taille Wempe de 137 facettes au lieu des 57 traditionnelles...) pour créer d’intenses jeux de lumière. Les montures sont serties de manière différente, la pierre de centre est déposée dans une corolle de diamants ou entourée de brillants ou encore sertie dans des griffes en poli miroir afin d’optimiser l’éclat (modèles Destinée de Cartier, Splendora de Wempe, Ava de Boucheron, Aura de De Beers…). Après la taille brillant, ce sont les tailles émeraude (rectangulaire), princesse (carrée), ovale, coussin qui ont le plus de succès. Mais les autres tailles, dites fantaisie, gagnent du terrain.  Les femmes ne sont plus seulement à la recherche d’un diamant, elles sont en quête de singularité, de style, de différence.

De Beers

 Héritage et narration

Une bague de fiançailles, au-delà de l’émotion qu’elle suscite, doit raconter une histoire. Est-ce pour cette raison que les grands joailliers sont si inventifs pour créer de beaux récits ? Le très symbolique lotus de De Beers, l’histoire d’amour de Joséphine et Napoléon chez Chaumet, l’or rose des cerisiers en fleurs de Tasaki, Serpent Bohême ou 26 Vendôme pour Boucheron, le camélia ou le ruban pour Chanel, la tradition ultime du diamant chez Tiffany ou Cartier font partie de ce séduisant storytelling. Les belles histoires font partie de la Une narration qu’attendent les clients pour se projeter dans un univers onirique en osmose avec leur sensibilité.

De gauche à droite, BOUCHERON Bague 26 Vendôme - CHAUMET Bague Joséphine - CHANEL Bague Ruban - DE BEERS Bague Lotus - BUCHERER Bague Inner Fire

Vincent Grégoire, Directeur Consumer Trends & Insights de l’agence NellyRodi ,a étudié de près ces nouvelles tendances. Pour lui, les clients se répartissent en quatre « tribus », les Traditionnels, les Emotionnels, les Expressionnistes et les Militants.

Les premiers, de loin les plus nombreux, sont très sensibles à l’héritage et au patrimoine. Souvent classiques dans leur approche, ils se tournent aussi volontiers vers les enchères ou les sites de revente. Le tabou de « l’occasion » est franchi, y compris pour une bague de fiançailles, poétiquement appelée « pre-loved ».  « Les plus recherchées restent les valeurs sûres telles que les modèles de Tiffany ou de Cartier, selon Coralie de Demandolx, directrice du département joaillerie de Collector Square, leader européen dans la vente en ligne de produits de luxe seconde main second hand. Du côté des bagues anciennes, le style Art déco reste un grand classique mais depuis peu, les années 1960 ou 1970 ont un certain succès. » 

COLLECTOR SQUARE Bague RENE BOIVIN de 1930 en platine, diamant taille coussin ancienne env. 2 cts, diamants

 Au-delà de l’engagement, un bijou porteur de sens

« Nos clients ne cherchent pas forcément un prix mais plutôt un bijou différent, quelque chose d’exceptionnel et qui porte une histoire, poursuit Coralie de Demandolx, avec parfois des pierres de centre différentes, des émeraudes, des rubis ou des diamants taille émeraude ou ovale. Les pierres fines sont peu demandées sauf si elles sont exceptionnelles comme la tourmaline Paraíba ». Cette gemme très rare pouvant atteindre le prix de diamant est également citée chez Wempe. Mais d’une façon générale, les pierres fines sont perçues (parfois à tort) comme moins précieuses. Elles sont aussi moins résistantes que les diamants, les saphirs et les rubis et donc moins adaptées à un porté au quotidien. Le conseil des joailliers peut jouer en ce sens pour freiner l’appétence pour ces pierres. La jeune Maison de bijoux vintage Castafiore confirme que les bagues Art déco ne perdent pas leur attrait. Toutefois, elle sent aussi « une tendance au retour vers des modèles classiques de type marguerite ou marquise portées par des femmes jeunes et plutôt férues de mode ».

CASTAFIORE Bague Pompadour en or blanc, saphir de Ceylan de 7,3 carats et diamants

 Eblouir

Les Expressionnistes, une autre tribu identifiée par NellyRodi, sont de plus en plus nombreux. Ces clients sont à la recherche d’un bijou qui affirme une signature. Qu’il s’agisse d’une marque identifiable ou d’une création sur-mesure, l’Expressionniste est en quête de reconnaissance par une forme de sensationnel, que ce soit avec une pierre incomparable ou une monture très audacieuse. Quelques modèles éblouissants de lumière : l’exceptionnelle bague haute-joaillerie Inner Fire de Bucherer, les incroyables diamants de couleur cœur et poire de Messika ou encore la bague Pétales d’Amour de Anna Hu, une poésie à elle toute seule, en sont des exemples.  

ANNA HU Bague Pétales d'Amour en platine, or blanc, or palladié, émeraude octogonale de Muzo, émeraudes et diamants 

ANNA HU Bague Skylight en or blanc et or palladié, diamant bleu-vert fancy intense, diamants et grenats tsavorites

Bijoux conviction

Les Emotionnels de NellyRodi seront plus attachés aux bijoux à message où se mêle un peu de magie protectrice ou d’ésotérisme. Ces clients sont à la recherche de créations qui les rassurent dans un climat perçu comme anxiogène. Signes, symboles, étoiles et autres porte-bonheurs sont leur territoire. La collection Dioramour de Dior Joaillerie, avec ses diamants romantiques et discrets, leur convient parfaitement.

Les Emotionnels ne sont pas très éloignés de la dernière tribu repérée, les Militants, soucieux d’éthique et de responsabilité. Ces fiancés-là iront naturellement vers des marques qui hissent la bannière du no mining, n’utilisant que des matières recyclées ou neuves, mais dormant au fond d’un coffre.  Rouvenat, Maison ancienne récemment relancée après un long sommeil, possède un trésor de pierres acquises pour de grands joailliers mais jamais montées. « Nous les appelons plutôt des bagues de célébration, précise Marie Berthelon, CEO de Rouvenat, parce qu’elles marquent tous les moments importants de la vie et pas seulement les fiançailles ». 

ROUVENAT Bague en or rose, rubis et diamants

 D’où vient mon diamant ?

Ethique, responsabilité, traçabilité, blockchain, les clients Militants veulent savoir d’où vient leur pierre. Ils sont encore minoritaires mais occupent déjà l’esprit de toute la profession. Les initiatives se multiplient pour donner aux clients – et pas seulement aux Militants - des garanties sur la provenance de leur diamant naturel. D’autant plus que celui-ci est challengé depuis quelques années par les diamants de synthèse, fabriqués en laboratoire.

S’ils ont du succès aux Etats-Unis où ils représenteraient déjà la moitié des diamants libres vendus, ces derniers n’ont pas encore capté le marché européen. Investissement affectif à long terme, transmissible de génération en génération, la bague de fiançailles porte un symbole qui semble encore peu compatible avec une pierre d’origine non naturelle, de surcroît fabriquée dans un four souvent très énergivore.

Le diamant de synthèse est toutefois prisé par de nombreuses jeunes marques de joaillerie qui concoctent un discours à la fois environnemental (pas de mines) et économique (un prix de vente inférieur de 30 à 50% par rapport à celui du diamant naturel). Les optimistes diront que c’est un premier pas vers l’achat, plus tardif, d’un diamant naturel.

 

La bague de fiançailles s’inscrit dans une nouvelle tendance, plus ouverte à la fantaisie, plus créative, moins traditionnelle. Mais elle est toujours là, symbolique de l’anneau que l’on ne quitte pas parce qu’il marque un engagement fort, précieux et que l’on voudrait éternel. Un bijou autre qu’une bague ou même un objet qui ne serait pas un bijou pourrait-il la remplacer ? De toute évidence, la question ne semble pas d’actualité.

 Parution LUXUS + Décembre 2023 - ICI

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