Ethique et responsabilité : l’impact vertueux des diamants
Et si la responsabilité, ce n’était seulement le calcul d’un bilan carbone, la rationalisation, l’économie de moyens ou encore une forme de décroissance qui ne dit pas son nom ? L’introspection (comment moins et mieux consommer) céderait la place à l’ouverture et à la générosité. La question « Qu’est-ce que je fais pour la planète ? » s’enrichirait d’un judicieux « Qu’est-ce que je fais pour les autres ? ». Le secteur du diamant naturel nous donne un bel exemple.
L’éthique et la responsabilité sont au cœur des préoccupations depuis de nombreuses années dans l’univers du diamant. Le point de départ : l’incroyable valeur des gemmes (un diamant de couleur peut valoir aux enchères jusqu’à plusieurs millions de dollars le carat – 1 carat = 0,2 gramme) situés dans des pays souvent pauvres. Près de la moitié des diamants provient d’Afrique, un tiers de Russie et le troisième gros producteur est le Canada. Dans ces régions au sous-sol riche en pierres précieuses, les groupes miniers ont mis en place de substantielles mesures de développement responsable.
L’action au plus près du terrain
Les retombées économiques locales, l’attention portée aux populations, à la sauvegarde des espèces, à l’environnement (telle que la restauration des mines après leur fermeture) sont des sujets qui deviennent incontournables. Les initiatives se multiplient et la communication, longtemps négligée dans cet univers très discret, est maintenant devenue audible. Nombreuses sont les entités qui interviennent à tous les niveaux auprès des communautés minières. Parmi les principaux, le Responsible Jewellery Council permet de promouvoir et certifier au niveau mondial les pratiques responsables d’une entreprise sur l’ensemble de sa chaîne d’approvisionnement, dans les secteurs de l’or et du diamant, bientôt étendus à l’argent et aux pierres de couleur. L’objectif est de créer un cercle vertueux, en amenant tous les acteurs à intégrer un maillage responsable qui ne pourra que leur être profitable à terme.
Quant aux petites mines artisanales (elles représentent 15% de la production totale), peu à même d’affronter seules les défis, qu’il s’agisse de la sécurité dans les mines, du financement de l’extraction, du commerce des diamants, de la formation et du bien-être, elles sont accompagnées par le programme GemFair qui officie depuis 2018.
D’autres entités telles que Diamonds Do Good soutiennent des programmes de développement et d’autonomisation dans les communautés. L’accès à l’eau, à la santé, à l’éducation, à la formation des adultes et la création d’infrastructures sont autant d’objectifs qui les mobilisent.
Un écosystème vertueux
L’éthique et la responsabilité se mesurent aussi, et peut-être surtout, à l’aune des retombées locales et de l’écosystème vertueux qui apporte ses fruits à la croissance. L’activité du diamant naturel fait vivre près de 10 millions de personnes dans le monde et 80% des revenus générés sont réinvestis localement. D’après le rapport Trucost (2018), les sept principales sociétés minières du monde, représentant environ 75% de la production totale de diamants, génèraient chaque année un impact économique de 16 milliards de dollars, 6,8 milliards de dollars pour l’achat local de biens et services et les salaires versés (3,9 milliards) étaient en moyenne supérieurs au salaire national moyen de 66%. Ces chiffres colossaux traduisent bien l’importance de l’activité du diamant naturel au niveau national comme au niveau local.
Autonomiser les travailleurs, redistribuer, protéger
Dans une vision à long terme, un impératif s’impose : le développement et l’autonomisation des communautés minières. Les mines ne sont pas éternelles, les diamants non plus. Une fois asséchés, les filons ne se reconstituent pas puisque les pierres ont nécessité des centaines de millions d’années pour se former au centre de la terre et ne sont arrivées à la surface que par les éruptions volcaniques, devenues rares aujourd’hui. Les mineurs peuvent donc progressivement voir leur métier disparaître dans certaines régions, d’où la nécessité de les rendre autonomes et de les former à des métiers pérennes. Si la société De Beers consacre au Botswana (2ème producteur mondial de diamants et souvent cité en modèle pour gestion intelligente de ses ressources) des moyens très conséquents pour développer l’expertise de son personnel, elle ne perd pas de vue cet « après ». Par ailleurs elle investit dans de véritables programmes à long terme de protection de l’environnement et des espèces animales. Ainsi, des centaines de milliers d’hectares de terres sont devenus des habitats protégés. Certaines des espèces les plus menacées au monde sont en lieu sûr tout au long de la Route des Diamant créée par De Beers en Afrique australe.
Réhabiliter le site des mines
Dans les Territoires du Nord-Ouest canadien, De Beers et Rio Tinto financent des programmes de formation et d’éducation des habitants, de protection des espèces animales et d’entretien des espaces, lacs et des forêts. Depuis 1996, d’après les chiffres du Natural Diamond Council, l’activité minière du diamant a rapporté 26 milliards de dollars à l’économie du pays, 18 milliards ont profité à l’économie locale et 8 milliards ont été investis dans des sociétés appartenant à des autochtones. En tout, ce sont 70 % des revenus du diamant qui sont réinvestis sur place.
Et ce n’est pas tout. Les mines de diamants du Canada font figure de modèle en matière de développement durable, la loi obligeant les sociétés minières à provisionner un montant suffisant chaque année, et ce dès l’ouverture du site, pour réduire les effets négatifs de l’exploitation sur l’environnement et assurer la réhabilitation de la mine après sa fermeture définitive. Le permis d’exploiter n’est accordé qu’à cette condition. Plus aucune mine ne ferme en étant laissée à l’abandon. L’exploitant essayera de rendre à la terre son habitat naturel. Dans le cas de la mine d’Ekati au Canada, on estime que 30 millions de dollars seront consacrés chaque année à la remise en état des terres.
Redistribuer les richesses, consacrer des ressources au développement des populations, à la protection de l’environnement et des espèces animales, planifier la fin de vie des mines sont autant de démarches vertueuses dont pourraient s’inspirer d’autres industries. Une évidence qui s’impose dans le luxe - et le diamant en fait partie - où dominent à la fois une exigence d’exemplarité et un fort sentiment de responsabilité vis-à-vis des territoires et des personnes.
Parurion dans le magazine l’Edito mai 2024