Le luxe français fait-il toujours rêver ?

Présentée à l’automne dernier, l’étude du Comité Colbert sur la perception du luxe français souligne que la France reste un symbole du luxe mais l’attitude et les attentes des clients ont changé.  Le Comité Colbert a été fondé en 1954. Avec plus de 90 membres parmi les plus grands noms du luxe et 17 institutions culturelles, il représente l’art de vivre à la française.

Perception et comportements modifiés

L’étude a été menée par l’IFOP sur les principaux marchés du luxe, la France, les Etats-Unis et la Chine. La politique restrictive des voyages et des échanges, la conscience que notre santé et notre planète sont en danger ont modifié les habitudes d’achat, fait bouger les lignes et modifié le regard sur le luxe des consommateurs.

 Bénédicte Epinay, Déléguée Générale du Comité Colbert – Photo David Atlan


Le luxe est-il toujours aussi désirable en 2021  ?

Sans conteste oui, la crise a amplifié partout le désir de luxe.  60 % des Américains et 51% des Chinois déclarent avoir plus envie d’acheter des produits de luxe, compensation plaisir (revenge buying) dans une période fortement anxiogène. Pour preuve, le luxe a connu un rebond rapide en 2021, comme ce fut toujours le cas après les grandes crises, précise Stéphane Truchi, président de l’IFOP. La nouvelle donne, c’est l’accélération digitale et l’achat local plutôt qu’international, les voyages étant soumis à de fortes restrictions.

Toutefois, l’achat de produits de luxe à l’étranger ne perdra pas de son lustre. Acheter à Paris plutôt qu’à Pékin reste un élément de prestige personnel, photos diffusées sur les réseaux sociaux à l’appui.

Stephane Truchi, président de l’IFOP

L’achat-revente au-delà du plaisir

Une autre tendance : le luxe valeur refuge. En moyenne, 85% des interviewés estiment qu’un produit de luxe est un bon investissement à long terme. Ce chiffre monte à 88 % aux USA (buyer-reseller) et à 90 % en Chine.

Cette perception est inhérente à la qualité perçue des produits de luxe, or 84% des personnes interrogées, dans les 3 pays, considèrent que le Made in France est une valeur sûre (90% en Chine).

Son corollaire est l’achat d’occasion, qui grimpe en flèche (voir notre article sur Collector Square dans le numéro de Novembre 2021). Les marques devront intégrer cette tendance lourde dans leur écosystème de vente, de formation retail et de distribution.

 Pourquoi le marché de l’occasion se développe-t-il  ?

Parmi les tendances fortes, le marché de l’occasion est au croisement de plusieurs aspirations :  la volonté d’investissement, l’envie de renouveler son look liée aux publications frénétiques sur les réseaux sociaux, le souhait de prolonger la vie de l’objet, de lutter contre le gaspillage mais aussi de transmettre et valoriser des savoir-faire précieux.

Vu du côté des marques, l’occasion est aussi une chance à saisir, une façon d’amener, de sensibiliser et d’éduquer de nouveaux clients au luxe.

L’exigence d’exemplarité

Autre tendance, l’éthique est devenue un pré-requis incontournable qui « raccrochera » toutes les valeurs positives des marques dans l’esprit du consommateur. L’exemplarité dans la responsabilité environnementale est primordiale pour 93% des Chinois (85% sur le total des 3 pays). Stéphane Truchi souligne que même en Chine, pays pourtant gros pollueur, la toxicité est perçue comme un danger majeur.

Le « discours de la preuve » est indissociable de l’efficacité des actions et celles-ci doivent être en cohérence totale avec le comportement des marques. Il n’y a aucune place pour le green washing.

La joaillerie plébiscitée

La France n’a rien perdu de son attractivité. Pour les Chinois et les Français, elle arrive en tête des « pays qui représentent le mieux le luxe ». Pour les Américains, elle arrive en n°2 derrière les USA, dont les marques de luxe nationales sont plus en adéquation avec leur style de vie. Dans les 3 marchés, plus de 80% des interviewés ont déjà acheté des produits de luxe français, et près de la moitié le font régulièrement. Sur les 17 catégories de produits associés à la France, la joaillerie arrive toujours dans les 3 premières, derrière la mode et les parfums.

CARTIER – Collection de haute joaillerie SIXIEME SENS - bague «Parhelia», en platine, saphir, émeraudes, laque noire et diamants


Le luxe est-il créatif  ?

Parmi les termes fortement attachés au luxe français, l’élégance arrive en tête en France et aux USA, en 2ème place en Chine derrière le romantisme. Si l’excellence arrive en 2ème position en France et aux USA, elle n’est que 6 ème en Chine, montrant que le luxe français est plutôt rattaché à une notion d’art de vivre pour les Chinois. Toutefois, la créativité est plébiscitée sur ce marché (4ème position) alors qu’elle n’arrive qu’en 6ème et 7ème position respectivement en France et aux USA où l’élégance, le prestige et la tradition ont une perception supérieure. Les Maisons françaises doivent-elles s’attacher à mettre mieux en valeur leur créativité ?

Entrer dans les coulisses mais garder une part de mystère

L’IFOP, dans un sondage exclusif mené pour le magazine CB NEWS (hors étude Comité Colbert), mentionne que la magie du luxe tient aussi à un certain mystère. La transparence sur le travail des artisans, la précision du geste, la minutie des métiers d’art (laque, émail, gravure, broderie…) qui peuvent demander des centaines, parfois des milliers d’heures de travail, est plébiscitée par les 3 marchés (94% des interviewés chinois).

Entrer dans les coulisses mais garder une part de mystère

L’IFOP, dans un sondage exclusif mené pour le magazine CB NEWS (hors étude Comité Colbert), mentionne que la magie du luxe tient aussi à un certain mystère. La transparence sur le travail des artisans, la précision du geste, la minutie des métiers d’art (laque, émail, gravure, broderie…) qui peuvent demander des centaines, parfois des milliers d’heures de travail, est plébiscitée par les 3 marchés (94% des interviewés chinois).

Ainsi, le Comité Colbert a diffusé un film sur le savoir-faire via WeChat qui a déjà été visionné 100 millions de fois, notamment par les jeunes Chinois (Numéro Spécial Luxe du magazine CB NEWS – décembre 2021).

Dans les ateliers de Chaumet, place Vendôme à Paris


Si la transparence est évidemment requise sur l’aspect responsabilité (origine des matières, recyclage, engagement social et environnemental), elle ne doit pas couvrir tous les aspects de l’entreprise, ce qui conduirait à une perte de prestige et de désirabilité, précise Stéphane Truchi.

Cette attente de discrétion montre que le luxe est toujours associé à un univers de rêve que le luxe français incarne si bien.

Pour conclure, rappelons que l’île de Hainan, paradis du luxe hors taxe en Chine, a déclaré que 2022 serait l’année de la France. S’il fallait une preuve…



L’étude complète est visible ici

 Les enseignements de l’étude

  • La crise sanitaire a renforcé le désir de luxe

  • La France s’affirme en 2021 comme le pays qui incarne le mieux le luxe

  • Le luxe français est le reflet d’un art de vivre qui fait rêver

  • Le « made in France » est une signature qui rassure

  • Le luxe d’occasion s’impose

  • Les réseaux sociaux sont puissants dans les jeux d’influence et la communication

  • Les acteurs du luxe doivent montrer l’exemple dans la responsabilité sociale et environnementale 

Bénédicte Epinay, Déléguée Générale du Comité Colbert énonce les différentes actions menées par le Comité qui vont dans le sens des conclusions de l’étude. Parmi elles :

  • Recensement de toutes les initiatives des membres dans le domaine de la responsabilité et de l’éthique

  • Partage des bonnes pratiques entre grandes Maisons et plus petites structures (édition d’un guide sur la mise en place de la RSE, rencontres, échanges…)

  • Partenariat avec l’Université de la Terre

  • Travail sur une trajectoire carbone 2050 pour le secteur du luxe

Précédent
Précédent

Buccellati, 100 ans de poésie

Suivant
Suivant

Joséphine et Napoléon, les bijoux impériaux au prisme de Chaumet