Les mines de diamant artisanales peuvent-elles rester hors circuit?

De Beers a lancé en 2018 le programme GemFair pour venir en aide aux mines artisanales et leur permettre d'accéder de façon transparente au marché mondial du diamant.

Les ASM représentent environ 25% de la production mondiale de diamant

Tous secteurs confondus, les petites mines artisanales (ASM ou Artisanal and Small-scale Mining) dans le monde sont un énorme employeur et bénéficient à des individus, des familles, des communautés, des pays faisant fonctionner tout un écosystème de ressources. Le nombres de personnes vivant des retombées de l’activité de ces mines artisanales est estimé à à 150 millions.

Dans le domaine du diamant, ces mines représentent environ 25% de la production mondiale. Le reste, c’est-à-dire la grande majorité, est géré par les grands groupes miniers, essentiellement De Beers, ALROSA, Rio Tinto, Dominion, Petra, Gem, Lucara et RZ Murowa Holdings.

De Beers a lancé en 2018 une initiative très intéressante, le programme GemFair dont l’objectif est de venir en aide aux mines artisanales. De Beers n’en est pas propriétaire mais estime que ces mines ne peuvent rester en-dehors des circuits du commerce du diamant. Hors de tout contrôle sur les méthodes de production, elles sont vulnérables.

Les mines artisanales, un écosystème vulnérable à protéger

Les acteurs de la filière diamant sont de plus en plus conscients que l’éthique, la responsabilité et la traçabilité dessinent l’avenir du secteur et la  vigilance médiatique leur laisse peu de répit dans ce domaine. De ce fait, il semble urgent que les ASM  puissent « rentrer dans la boucle » au risque de se voir fermer l’accès à un marché mondial du diamant de plus en plus régulé et observé. Or, les mines artisanales n’ont ni les moyens financiers, ni le capital technologique, ni les connaissances nécessaires qui leur permettraient d’accéder à ces circuits. Le programme GemFair  a donc été conçu pour les aider à mettre en place les moyens d’acquérir les connaissances et les outils nécessaires.

La désorganisation engendrée par le Covid-19 et les contrôles d’État moins stricts en cette période rendent cette mise en place est d’autant plus importante que les mines artisanales sont exposées à des risques de dérives (commerce illégal, travail des enfants). Fin 2020, un rapport Human Rights Watch a mis en évidence ce phénomène de façon concrète .

Expérience pilote en Sierra Leone

C’est en Sierra Leone que GemFair a décidé de mener son expérience pilote, le pays ayant payé un lourd tribut à l’époque, pas si lointaine, où les diamants de conflit commençaient à être bannis.

Le programme concerne aujourd’hui 136 sites miniers et 2 000 travailleurs. Il permet de garantir la traçabilité des pierres depuis la mine jusqu’à la commercialisation, d’adopter un code de bonne conduite qui passe par le respect des droits de l’homme, du travail et de l’environnement, d’acquérir une formation aux techniques de négociation et de vente du diamant. Former les communautés minières à l’aménagement du territoire et à la réhabilitation des anciennes mines fait partie des objectif à terme de GemFair. Ces préoccupations environnementales directement ou indirectement liées à l’activité minière, et ayant une forte incidence sur la vie des populations locales pendant l’exploitation et après la fermeture des mines, sont de plus en plus prégnantes. Les débats intenses autour du projet Montagne d’Or en Guyane ainsi que le questionnement sur la remise en état de la mine d’Argyle (Rio Tinto), qui sera sans doute suivie de près par les médias, en sont deux exemples récents.

La mise en place de pratiques responsables et transparentes à l’aide du programme GemFair permettrait aux ASM concernées de profiter des circuits de commercialisation de De Beers (sur une base volontaire, le groupe minier proposant le rachat de leur production au prix du marché).

L’objectif : redonner à ces mines artisanales et indépendantes crédibilité, confiance et transparence. Il en va de la réputation du secteur du diamant tout entier.

Soutien aux communautés minières

Enfin, pendant la crise du Covid-19, GemFair est restée aux côtés des mineurs doublement touchés par l’effondrement des débouchés et la spectaculaire augmentation des prix alimentaires. Sa mission a changé de nature avec la fourniture de nourriture et d’aide médicale, y compris de milliers de masques. Des communautés minières entières en ont bénéficié, une première dans ce domaine où GemFair a fait figure de modèle, s’appliquant à elle-même les valeurs de responsabilité qu’elle revendique.

Par ailleurs, et pour exploiter au mieux ce temps d’activité réduite, GemFair a organisé des programmes de formation sur mesure en s’appuyant sur sa plateforme numérique existante lui permettant d’atteindre même les personnes vivant dans les territoires difficilement joignables. Un accord avec le German Development Corporation (GIZ) et la Mano River Union (MRU – créé en 1973 pour à des fins de coopération et d’intégration régionale), GemFair a apporté aux 4 pays membres de cette Union (Serra Leone, Libéria, Guinée et Côte d’Ivoire) des compétences pour développer les bonnes pratiques dans les mines artisanales.

L’initiative de GemFair est un modèle qui s’inscrit dans la lignée de l’évolution des groupes miniers. Comme les grands groupes de luxe, ceux-ci portent une responsabilité du fait de leur poids dans l’économie des pays où ils se trouvent. Cette position dominante leur permet d’être force de proposition et de changer les paradigmes là où le progrès humain, social et environnemental prend le pas sur la seule recherche de profit.

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