Le prochain storyteller de la marque est-il le client ?

NellyRodi vient de dévoiler une nouvelle étude, Entertainment  Everywhere. Selon Maxime Coupez, Head of Digital Business and Publishing et Rodolphe de Turkheim, Consultant Consumer Trends & Insights de l’agence, les marques ne sont plus les seules à créer leur contenu. Les consommateurs sont de plus en plus nombreux à s’exprimer, modifiant et transformant la perception de ces dernières. Alimenter cette nouvelle forme de « prise de parole » fait donc maintenant partie de la stratégie des Maisons.

 

En parallèle, le concept de divertissement a fait irruption dans le paysage médiatique et les marques n’y échappent pas. Dès lors, comment peuvent-elles rester pertinentes, désirables et performantes ? 

 Louis Vuitton, Jacquemus, Louboutin, Ferrari, Nike, Dior, Icicle, Le Bon Marché… nombreuses sont les marques de luxe à apporter leur pierre à cette nouvelle stratégie marketing pour le moins ludique. 

 

La publicité est morte

 Premier constat : 74% des consommateurs évitent les publicités. Les marques doivent donc rechercher d’autres moyens de séduction. Un défi, car de plus en plus d’internautes, surtout parmi la gen Z - cohorte née entre 1995 et 2010 - s’inventent influenceurs et prennent la parole pour ou à la place des marques. Ils imposent ainsi un nouveau format très axé sur le divertissement. Avec des contenus éditoriaux en perpétuelle révolution (vidéos courtes, réalité augmentée, réalité virtuelle…), les meilleurs entertainers s’avèrent être les grands gagnants de cette nouvelle forme d’interaction. « L’influence est le nouvel eldorado des jeunes - un modèle économique qui dépend de la capacité à engager…donc à divertir » souligne l’étude. 

Image du film Barbie

 Animer sa « communauté » par le divertissement

 Proposer à sa communauté des occasions de se divertir, de s’approprier les codes identitaires de la Maison, de les transformer, d’en donner leur propre interprétation devient le nouvel objectif des marques. Loin de rester spectatrices, celles-ci prennent part à ce jeu commenté, partagé et largement alimenté par les fans eux-mêmes. 

Animer sa communauté revient pour la marque à créer de la proximité, par conséquent de l’engagement, ce qui est l’objectif recherché pour susciter ensuite l‘acte d’achat.

 

Challenger et surprendre 

 Les exemples ne manquent pas dans le luxe de marques cherchant à challenger, à surprendre ou à divertir leur communauté. 

 Pharrell Williams, nouveau directeur artistique de Louis Vuitton Homme se transforme en chief entertainer de la marque. Son défilé parisien sur le pont Neuf en a été un exemple marquant. Jamais dans l’histoire du malletier de luxe et dans la mode, un directeur artistique n’avait assuré un tel after show musical. Le divertissement s’invite même jusque dans les collections avec un motif camouflage inspiré du jeu vidéo Minecraft. L’ex-membre des Neptunes devenu créateur en chef de Vuitton Homme a d’ailleurs son studio d’enregistrement dans les locaux de Louis Vuitton. 

Pharrell Williams pour Louis Vuitton

Mattel - et notamment Birkenstock - se sont, eux, offert une vitrine sans pareil pour leurs produits avec le blockbuster de l’été, Barbie. Non seulement le film a pour l’instant généré plus d’un milliard de dollars de recettes mais la tendance stylistique et girly Barbiecore déferle sur les réseaux sociaux. 

 Le divertissement dans le luxe c’est aussi Le Bon Marché Rive Gauche se transformant en théâtre la nuit pour ses clients, Icicle dévoilant son espace culturel, sa librairie, Louboutin collaborant avec Marvel pour le 100e anniversaire des studios Disney, Lacoste collaborant avec Netflix le temps d’une collection capsule, Jacquemus dévoilant des distributeurs automatiques 24/24 ou organisant des défilés urbains de sacs XXL …

  Autant d’exemples où la marque embarque sa communauté dans un univers ludique ou culturel qui la rend vivante et désirable.

 

5 archétypes de divertissements

 Dans son étude Entertainment Everywhere, Nelly Rodi prend soin de présenter cinq typologies d’objectifs de divertissement, avec comme mot d’ordre l'interaction. 

 Le réconfort

Il repose sur l'idée de s'évader d'un quotidien difficile pour se réfugier dans un univers de bienveillance et de partage. Il pourrait consister en une conversation autour de références et de sujets d'intérêt communs.

 L’émulation

Elle repose sur l'idée de se dépasser et de se mesurer aux autres par le biais de la quête, du jeu, de la compétition, du défi à relever mais aussi d’un échange entre experts.

 La mondanité

Elle repose sur l'idée de jouer avec des codes sociaux et culturels pointus pour montrer qu'on les maîtrise. Elle peut prendre la forme d’une participation à un événement ou un spectacle dans un lieu privatisé.

 Le scandale

Il repose sur l'idée de transgresser voire de libérer la violence en soi, sous forme de polémique, de débat d’idée.

 Le spectacle

Il repose sur l'idée de s'évader d'un quotidien banal pour explorer un univers extraordinaire et surprenant. Il se matérialise sous forme d’attractions spectaculaires, éphémères, de pop-ups ou de défilés urbains. 

Jacquemus, défilé de sacs géants

  La nouvelle stratégie de marque

 Le produit n’est plus au centre de la stratégie. Celle-ci se réoriente vers le plaisir, l’expérience et le partage communautaire. 

Avec cette plateforme de marque nouvelle génération, la vision est de donner du sens au divertissement proposé et la mission consiste à définir le besoin de divertissement procuré par la marque. La cible est la communauté à divertir, ce qui va au-delà des seuls clients (eux-mêmes entertainers). Quant à la promesse, elle est tournée vers les moyens que la marque propose pour assurer cet objectif. 

Les bonnes questions à se poser deviennent :  comment vais-je permettre à mes clients de s’approprier la marque, de la faire évoluer de façon vivante et ludique sans trahir mon ADN ? Quels moyens, quels outils vais-je mettre à leur disposition ? 

La marque doit assumer une part de lâcher prise. A ses clients devenus co-créateurs, elle « délègue » inévitablement une partie de sa culture. L’objectif est de s’assurer une forme de pérennité en leur laissant imaginer ce qui fait sens pour eux et leur permet d’entrer encore plus dans l’univers de la marque. Dans ce storytelling d’un genre nouveau, la culture de la maison doit rester centrale dans l’exploration des nouveaux territoires. Un équilibre délicat à trouver et pour le moins paradoxal.

Quant aux collaborations, elles démultiplient la visibilité, permettent d’atteindre de nouvelles cibles, de créer d’autres connivences en jouant avec des codes différents. D’une certaine façon, la marque va étendre son terrain de jeu. Il est alors essentiel que chacune des deux marques partenaires ait une image forte et, autre élément crucial, une même force d’image.

 

Le divertissement responsable

La notion de divertissement responsable pourrait être à la fois le résumé et la conclusion de cette réflexion. Divertir sa communauté, c’est promouvoir des valeurs positives, rassembler et non diviser, ménager des moments de sérieux, prendre position sur des sujets importants, impliquant la communauté et donner sa chance à tout le monde, sans exclure. « Réussir » le divertissement est le fruit d’une stratégie marketing distillée de façon judicieuse, créative, continue et toujours à l’écoute de la communauté.

 

Parution dans le magazine Luxus + octobre 2023 https://luxus-plus.com/chronique-le-prochain-storyteller-de-la-marque-est-il-le-client/

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