Qeelin, la joailllerie made in China

Un entretien avec Guillaume Brochard, co-fondateur de Qeelin. PPR vient de prendre une participation majoritaire dans Qeelin. Première marque de joaillerie chinoise internationale, Qeelin (prononcé Tchilin) est née en 2004 d'une rencontre entre un français passionné de culture chinoise et un chinois fasciné par l'Occident.

La rencontre entre deux passionnés

Guillaume Brochard tient sa passion pour la Chine de son enfance, quand il voyait défiler à la maison les amis chinois de ses parents. Une expérience rare pour un petit Français qui alimenta le rêve de ce pays lointain et inconnu. Guillaume Brochard devient directeur Asie chez Tag Heuer, puis DG des montres Ebel. Finalement emporté par sa passion, il s’installe en Chine où il rencontre Dennis Chan, un chinois de Hong-Kong qui ne rêve, lui, que d’Occident.
1997 :  Hong-Kong est rétrocédé à la Chine. Les Chinois insulaires découvrent la « Grande Chine », la richesse de sa culture et de ses traditions, ils vont rapidement faire renaître et reconnaître cette immense et riche culture, dont les codes empreints de nature et de sérénité correspondent déjà aux nouvelles valeurs occidentales. Les deux hommes s’associent et créent Qeelin.

Les petits talismans du ciel

Cette tradition de luxe et de raffinement que recèle la culture chinoise, Qeelin va la réinterpréter de façon moderne, à l’occidentale. Et ce croisement des deux cultures fera sa singularité et son succès. Les bijoux Qeelin ne sont pas seulement des créations de joaillerie de grande qualité, ils se veulent surtout de petites légendes, de précieux symboles de la culture chinoise. Leur facture originale annonce une nouvelle façon de regarder le « Made in China ».
Chaque bijou raconte une histoire. Le Panda Bo Bo, animal fétiche et emblème de la Chine, est signe de paix et d’amitié. Le Wulu est un savoureux fruit en forme de huit, chiffre porte-bonheur, le Yu Yi, un cadenas protecteur et gardien des secrets, le poisson rouge Qin Qin est symbole d’amour, d’abondance et d’harmonie. Le Ling Long, diamant libre tintant dans un grelot d’or, est un gage de chance jadis porté à la cheville par les riches chinoises…

WU_PendantWulu+chaine

Pendentif Wulu

En Chine où les objets symboliques sont un pont entre le ciel et la terre, la tradition est de porter un petit talisman sous ses vêtements, même chez les jeunes. Les petits bijoux de Qeelin sont ces talismans.
Ainsi le joaillier a séduit d’emblée une clientèle aisée à la recherche de bijoux ayant un sens, une histoire et une originalité forte qui tient à la facture occidentale de la création. En effet, tous les bijoux Qeelin sont pavés de diamants, de pierres précieuses de couleur, ornés de jade noir ou blanc polis (le yin et le yang) – en contraste avec la tradition chinoise du jade sculpté – et sont articulés, aimantés ou transformables. Signe du détail extrême, on aperçoit même un minuscule kaléidoscope au fond d’une petite jarre en or. Pendant le Fashion Show à Paris en janvier 2012, la boutique Colette a présenté une série de petits Pandas avec des vêtements interchangeables, petites coques en diamants et pierres précieuses de couleurs différentes.
Ces astuces techniques, on les doit à Dennis Chan, ex-Product Designer, qui a apporté à la joaillerie son savoir-faire. Non sans mal dans un pays où l’artisanat de luxe avait disparu en même temps que ses riches commanditaires après la révolution.

Une clientèle internationale de connaisseurs

Avec onze boutiques en Asie (4 à Hong Kong, 7 en Chine), une présence chez Restir à Tokyo (une sorte de Colette) et à l’hôtel Peninsula à Singapour, deux boutiques à Londres et une à Paris, le joaillier cultive une distribution sélective. À Paris, après une tentative malheureuse aux Galeries Lafayette, Qeelin ouvre une boutique au Palais Royal, plus adaptée à une clientèle de connaisseurs, d’amateurs d’art et d’exception, Français ou étrangers. Ici comme à Londres, les clients viennent du Moyen-Orient, de Russie, de Chine aussi parfois. Des clients français fidèles – la moitié de sa clientèle – viennent pour s’offrir un bel objet, intime, graphique et esthétique.
Les Chinois viendront pour la symbolique du bijou. À Londres, on trouve Qeelin chez Harrods et Selfridges et la moitié de sa clientèle est anglaise. Paris, Londres, la « Grande Chine » sont les priorités de Guillaume Brochard. Il estime avoir un sérieux potentiel encore à Shanghaï et négocierait un nouvel emplacement à Paris. Au Japon, le panda Bo Bo – symbole fort dans la culture japonaise – est un succès.
Qui sont les clients de Qeelin en Chine? Beaucoup de femmes, épouses ou femmes d’affaires. Elles ont entre trente et cinquante ans, ce sont des habituées de la joaillerie. Étrangement, dans un pays où le cadeau est une source de vente importante, celui-ci ne pèse que pour 20 à 25 % dans le chiffre d’affaire de Qeelin car « il s’agit d’un achat très personnel », dit Guillaume Brochard.

Un nouveau made in China

Les marques chinoises veulent partir à l’assaut du monde, c’est une évidence, mais cette internationalisation va surtout leur donner une caution occidentale auprès de leurs clients chinois. Car s’ils sont fiers de leurs marques nationales qui ne cessent de monter en gamme, les chinois n’en restent pas moins fascinés par les marques européennes. Interrogé sur le joaillier Wallace Chan, présent en 2012 à la Biennale des Antiquaires à Paris, époustouflant d’audace, de technicité pointue… et de valeur (36 millions d’euros pour une broche cigale géante en jade, 43 millions d’euros pour un collier en diamants, pierres précieuses et jade blanc) et sur l’arrivée de Shang Xia à Paris, Guillaume Brochard juge très positive l’émergence de ces nouveaux noms. Ils viennent rehausser l’image du « made in China » dans l’opinion française, car la facture est de très grande qualité.

Isabelle Hossenlopp  Parution le Guide du Luxe, Ed.Tarsus

Crédits photos : tous droits réservés

Retour en page d’accueil