Nature, couture et architecture ont toujours été à la confluence du style et de l’imagination. L’art de la joaillerie s’y prête particulièrement bien à travers le travail de l’or et la palette infinie des teintes de pierres.

L’inspiration naturaliste en joaillerie a traversé les siècles et enchanté les cours d’Europe autant que les Maharajas et les princes d’Orient. En Inde, en Chine et au Japon, la délicatesse de la nature, fleurs, fruits, arbres, feuillages ont orné les bijoux et les objets. En Europe, les motifs floraux ont été interprétés de mille façons. De belles illustrations de l’inspiration naturaliste se trouvent dans le style Guirlande ou les bijoux exotiques de Cartier, dans les diadèmes de Chaumet, les parures Rocaille de Mellerio qui aimait habiller de diamants les fleurs préférées des reines. La courte période Art Nouveau a marqué de façon particulièrement féminine et légère l’esprit naturaliste des joailliers, dont Lalique a laissé un bel héritage. Dans la joaillerie contemporaine, la nature, par sa grâce et sa poésie, par ses couleurs aussi, reste un thème d’inspiration majeure. Dior Joaillerie décline les roses, Chanel Joaillerie le camélia, Cartier l’orchidée et maintenant la fleur de Cactus, Van Cleef & Arpels dessine au fil de ses collections des fleurs en pierres précieuses et en diamants et Chaumet ne s’éloigne jamais vraiment de son thème le plus cher, la nature.

Cet été, Buccellati a parsemé de fleurs ses bijoux d’or ciselés, gravés à la main et ajourés comme une dentelle ou un nid d’abeille. Des motifs floraux s’expriment en relief sur les manchettes, sertis et à leur tour gravés. Tout rappelle le savoir-faire minutieux de la Renaissance dans cet éclat délicat et discret de l’or travaillé. Buccellati, entre orfèvre et joaillier, était surnommé à juste titre « le prince des orfèvres » par Gabrielle d’Annunzio tant sa sculpture des métaux précieux évoque l’orfèvrerie. En juillet dernier, une collection tout en finesse a été dévoilée, ornée des couleurs vives et fraîches des pierres précieuses et des pierres fines, comme par exemple une bague surmontée d’une superbe tourmaline azur et une manchette en or ornée de marguerites d’émeraudes, tourmalines Paraíba, saphirs, rubis, saphirs roses et diamants. (1 et 2)

Chanel Joaillerie a transformé la place Vendôme en champ de blé, apportant une odeur sèche de foin coupé inhabituelle en ce lieu. Et c’est au Ritz, où vécut Coco Chanel, que le joaillier a poursuivi sa plantation sauvage pour mettre en scène ses joyaux de blé. Gerbes joufflues, brins entrelacés ou simple épi ployant sous la brise, les délicats dessins s’illuminent de diamants navette reprenant la forme des grains de blés, de diamants jaune soleil ou de saphirs de toutes les couleurs comme sur la broche Moisson d’Or sertie d’un saphir jaune taille marquise de 11.8 carats (3).

Le joaillier Chaumet puise son inspiration dans la nature bienveillante et généreuse, légère, féminine. Dans une superbe collection inspirée de 4 grands thèmes, le laurier, le blé, le chêne et le lys, attributs symboliques des dieux antiques, Chaumet donne à voir ce coup de patte aérien qui lui est propre, comme si le crayon laissait traîner sa pointe pour allonger le trait et donner une légèreté gracile à chaque feuille, à chaque fleur. Les feuilles de chênes serties de tourmalines roses et grenats de feu subliment les tourmalines indigolites et Paraíba pures comme l’azur. Une des pièces maîtresses de la collection est le diadème de lys Passion Incarnat dont les spinelles rouges framboisés et les grenats rhodolites contrastent avec la fraîcheur de jeunes feuilles en tourmalines « mint ». Avec ce bijou, la Maison Chaumet qui a conçu plus de 1 500 tiares et diadèmes depuis qu’elle existe, offre un superbe hommage à son histoire.

Le joaillier milanais Giampiero Bodino se fait discret à Paris. Quel dommage ! Ses bijoux à la fois baroques, classiques et effrontés. Sa haute-joaillerie bellissima et ludique n’a peur de rien.A côté de bijoux cascadant de pierres rares (un hallucinant plastron de tourmalines Paraíba en 2015), il a eu l’idée de faire de très longues boucles d’oreilles comme deux vagues roulant écume de diamants et de saphirs. Puis il a dessiné un collier pour les suspendre, donnant à la femme la possibilité de porter les boucles d’oreilles autour du cou si elle le souhaite. Ce collier baptisé Tesori del Mare (5) est certainement le plus gracieux de sa dernière collection.

Boucheron a fait appel à Olivier Saillard, le directeur du Palais Galliera, pour transformer sa présentation de haute-joaillerie en défilé de mode réservé à quelques happy few. A cette occasion, le joaillier a réalisé une Cape de Lumière, étonnant maillage de chaînes d’or souple et articulé qui se pose sur les épaules comme une étole dans un bel effet de plissé soleil 18 carats. Moins spectaculaire mais très originale, la bague Hôtel Particulier renferme un graphisme de diamants dans un cristal de roche, une technique qui devient peu à peu l’une des signatures de Boucheron (6).

Grand style chez Dior Joaillerie qui nous emmène à Versailles. « J’ai imaginé un Versailles de nuit, un intérieur éclairé à labougie, qui ferait scintiller les pierres »explique Victoire de Castellane, la directrice artistique de la joaillerie Dior. Pampilles et lustres, candélabres, nœuds, rubans, mascarons de porte… Victoire de Castellane détourne les objets et les ornements pour les parsemer de lumière, d’un coup de baguette magique. A Versailles, la flamme des bougies sculpte les bijoux. Ombres et lumières sont rendues par l’or contrastant avec l’argent oxydé qui magnifie les gouttes de diamants, les pampilles d’émeraude, les saphirs de couleur, les rubis et les spinelles rouges-bleutés… comme dans la bague Acanthe (7) ou les boucles d’oreilles Salon de Mars. A Versailles où l’on imagine les bals somptueux qui se sont donnés, on se souvient que Christian Dior aimait les bals, lui aussi, parce que leur éclat sublimait les costumes.

L’émeraude est une longue histoire d’amour chez Van Cleef & Arpels. La transparence profonde et vivante de cette gemme vert forêt évoque la nature chère au joaillier. Quelques-unes d’entre elles sont devenues des légendes de son histoire, comme l’émeraude hexagonale gravée de 150 carats qui orna le diadème du sacre de Farah Pahlavi, impératrice d’Iran. Dans la collection Emeraude en Majesté dévoilée cet été, 1 400 carats d’émeraude ont été nécessaires pour réaliser les bijoux subtils, architecturés ou souples, liens entrelacés ou rubans déliés, transformables, détachables, dont les motifs s’inspirent de feuillages, de fleurs, de drapés, de torsades, de liens… Van Cleef & Arpels raconte l’émeraude sous toutes ses formes et dans toutes ses tailles avec délicatesse et poésie. Dans la bague en platine Entre les Doigts™ Lune d’Eau, 2 nymphéas retiennent en leur cœur un diamant et une émeraude de même poids (3 carats) et de même forme ( taille poire). Cette bague porte la signature de la Maison Van Cleef & Arpels par le style Entre les Doigts™, c’est-à-dire un bijou qui se porte sur un doigt mais « habille » ceux de droite et de gauche et par l’asymétrie de la couleur et de la disposition des pierres (8)

En juillet dernier, Cartier a présenté un somptueux diamant. Il s’agit du bracelet Illumination, pépite de sa collection de haute-joaillerie Cartier Magicien. En majesté, un diamant D IF (la plus belle couleur et la plus belle pureté) de 31.16 carats capte tous les feux de la lumière comme un incroyable lac de glace. Il est monté sur un bracelet de cristal de roche gravé qui semble taillé à degrés. Le diamant central est amovible et peut se fixer sur la bague Illumination (9). Marier le diamant et le cristal de roche était un style en vogue dans les années 30 et Cartier y excellait. Pour Gloria Swanson, le joaillier avait alors réalisé deux bracelets de cristal de roche et diamant, aujourd’hui pièces de son patrimoine. Le bracelet Illumination est un clin d’œil aux bijoux de cette époque.

Sunny Side of Life. A lui seul, le nom de la collection de Piaget est une fête. La profusion de couleurs est joyeuse, éblouissante. Les saphirs veloutés et les tourmalines Paraíba bleu-vert côtoient des diamants jaunes solaires, des saphirs roses et des spinelles rouges dans de radieuses compositions. Ici, un bracelet entièrement gravé à la main est serti de 72 saphirs bleus taille baguette (environ 17.95 ct) et de 40 diamants(10). D’autres bijoux tout en diamant reproduisent des motifs plus géométriques ou encore des grappes de diamants taille marquise en forme d’épi de blé, de feuille ou de fleur. D’extravagantes manchettes et clips d’oreilles marquetés de plumes composent un décor dégradé bleu piscine ou vert sapin. Dans cette explosion de couleurs festives, les bijoux de Piaget expriment une délicieuse liberté, comme une promesse de bonheur.

Isabelle Hossenlopp 

Parution Entre Luxe & Prestige septembre 2016

Texte et photos : tous droits réservés – Reproduction interdite