Nathalie Morin, une Française expatriée à Pékin depuis 15 ans, restaure la réputation du Made in China méconnu en France. Une initiative qui suscite l’admiration.
La Chine traditionnelle avait de superbes savoir-faire, malheureusement engloutis avec la révolution et que le gouvernement chinois tente de rétablir aujourd’hui.
Nathalie Morin est donc partie à la reconquête de ces artisans magnifiques à travers le pays et elle les a convaincus de venir exposer à Paris. En janvier 2018, cinq artisans se sont donc retrouvés dans les salons chinois de la Pagoda à Paris pour faire découvrir des objets luxueux et une haute joaillerie réalisés selon la tradition, dans le cadre de l’exposition « La Chine du Geste Exquis ».
En Chine, tout artisanat repose sur l’intelligence de la main, du geste précis que l’on se transmet de Maître à élève, de génération en génération. Le geste exquis, en plus de la maîtrise du savoir-faire, évoque le raffinement et l’élégance de la Chine Impériale. La Chine du Geste Exquis a permis de découvrir des tapis entièrement tissés à la main avec des couleurs naturelles comme l’indigo, reprenant la technique raffinée des dynastie Ming et Qing. Des porcelaines fines aux décors délicats, des tableaux exécutés dans des tonalités neutres et apaisés, respectueux des codes esthétiques traditionnels de la peinture chinoise, des sacs et minaudières inspirés de la dynastie Tang, en bois précieux laqué et incrusté, aussi étonnants que raffinés, œuvres d’art plus qu’objets du quotidien s’exposaient sur les trois étages de la Pagoda.
La haute joaillerie chinoise de Lai Wei, représentée par sa créatrice Anna Zhao, mélangeait bijoux anciens d’inspiration des dynasties Ming et Qing et contemporains dont la particularité est le jade précieux vert et blanc allié au travail de la plume de martin-pêcheur. Cette technique de marqueterie de plumes typiquement chinoise, appelée Tian-tsui, a failli totalement disparaître faute de transmission. Le dernier atelier de Tian-tsui a fermé en 1933 et Lai Wei a dû se rendre à Taiwan pour trouver le bon artisan. Très apprécié du Palais Impérial, le savoir-faire de Tian-tsui remonte à l’époque des Royaumes Combattants et connut son âge d’or sous le règne de l’empereur Qianlong au XVIIIème siècle. Les plumes utilisées, de couleur turquoise et bleue-violette, viennent de l’oiseau Tsui, dont seuls quelques spécimens – pas plus de 5% – ont un plumage assez beau pour être prélevé.
La réalisation de Tian-tsui est d’une complexité extrême : sur un socle d’or, d’argent, de bronze ou de métal doré, les plumes soigneusement découpées sont incrustées une à une pour recouvrir le socle. Etant donné que la plume est une matière organique, la fabrication des bijoux du style Tian-tsui demande plus de savoir-faire que les autres. Le collage des plumes, les composants de l’adhésif, leur dosage sont des opérations délicates.
La dernière étape de la technique Tian-tsui est « Gua qing », qui consiste à racler les plumes avec un couteau en agate jusqu’à ce qu’elles deviennent bleues. Seuls les meilleurs artisans peuvent garantir un bleu vif qui ne s’altère jamais. Le Tian-tsui ne peut se réaliser qu’à la main et exige de l’artisan une habilité ainsi qu’une patience hors du commun.
Avec la technique Tian-tsui, Anna Zhao a restauré une image ancestrale et précieuse du savoir-faire joaillier chinois, dans une collection de pièces uniques adaptées à une clientèle contemporaine.
La prochaine édition de La Chine du Geste Exquis se tiendra en 2019 avec de nouveaux artisans, plus nombreux. L’accent sera mis sur le savoir-vivre en Chine
Publication l’OFFICIEL Horlogerie & Bijouterie Mai Juin 2018
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